Le favoritisme de Sarah envers certaines personnes s’est avéré utile lors de sa participation révolutionnaire à des tests qui ont conduit à un sous-domaine d’enquête connu en psychologie et en philosophie sous le nom de « théorie de l’esprit ». Sarah a aidé David Premack et son coauteur Guy Woodruff à répondre par l’affirmative à la question titre de leur article de 1978 « Le chimpanzé a-t-il une théorie de l’esprit ? ».
Avoir une théorie de l’esprit, c’est être capable d’attribuer un but, une intention, des croyances, des désirs et d’autres attitudes à la fois à soi-même et à une autre personne ou un animal. Afin de tester si Sarah pouvait comprendre que les gens avaient des pensées différentes des siennes, on lui a présenté de courtes cassettes vidéo où un acteur humain dans une cage essayait d’accomplir une tâche, comme essayer d’obtenir des bananes qui étaient inaccessibles. Après avoir regardé la vidéo, on a montré à Sarah deux images, l’une permettant à l’acteur d’atteindre son objectif (une boîte) et l’autre non (une clé). Elle a résolu avec succès les problèmes pour l’acteur.
Mais on craignait qu’elle se mette à la place des acteurs, ce qui serait un exploit cognitif assez excitant en soi, mais ne montrerait pas qu’elle attribue des attitudes aux acteurs. On lui a donc présenté d’autres vidéos, l’une dans laquelle l’acteur était son gardien préféré et une autre dans laquelle l’acteur était quelqu’un qu’elle n’aimait pas vraiment. Sarah a sélectionné plus souvent les bonnes réponses pour l’acteur qu’elle aimait, et les mauvaises réponses pour l’acteur qu’elle n’aimait pas beaucoup.
Le parcours de Sarah a permis d’établir que non seulement les chimpanzés ont des pensées complexes, mais aussi des personnalités distinctes avec des préférences et des préjugés forts. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire de sa vie remarquable. En grandissant, elle a aidé un chimpanzé diabétique nommé Abby, avec qui elle vivait, à ne pas oublier de prendre ses médicaments. Elle était une figure de tante aimante, mais sévère, pour un couple de jeunes chimpanzés, Harper et Emma, et elle a aidé Henry, un chimpanzé mâle qui venait d’une situation de terrible maltraitance, à s’entendre avec d’autres chimpanzés.
Depuis l’époque où l’on pensait que Sarah avait établi que les chimpanzés savaient ce que les autres pouvaient vouloir ou avoir besoin, un nombre croissant de chercheurs ont essayé de savoir si d’autres animaux avaient une théorie de l’esprit. Bien qu’il y ait toujours eu des sceptiques, des études ont suggéré que les corbeaux, les geais, les corneilles, les autres singes, les singes et peut-être les chiens, pourraient savoir ce que les autres pensent. Chez les animaux sociaux, être capable de glaner ce que les autres peuvent penser est une bonne stratégie pour s’entendre. Pour les chimpanzés vivant dans des sanctuaires, cela peut faciliter les soins.