Qu’est-ce que la dévotion à la Sainte Face du Christ, et comment peut-elle nous aider au milieu de nos crises actuelles ?

Le 29 mars 1847, une carmélite de Tours, en France, nommée Sœur Marie de Saint-Pierre, reçoit une mission du Christ : mettre en échec les agissements des hommes qui opéraient à Paris à l’époque, dans ce qu’Il appelait la  » Société dite des communistes.  » Les armes qu’Il lui a données sont Sa Passion et Sa Croix, et la prière de réparation à Sa Sainte Face. Il demanda aussi spécialement la réparation des péchés contre les trois premiers commandements.

« Oh, si tu savais leurs complots secrets et diaboliques et leurs principes anti-chrétiens », dit le Christ à Marie dans une prétendue apparition, « Ils attendent un jour favorable pour enflammer tout le pays. Pour obtenir la miséricorde, demandez donc que cette Oeuvre de Réparation soit établie en vous adressant à celui qui, par le devoir impérieux de sa charge, peut l’établir. » (Marie de Saint-Pierre, La Flèche d’or (Charlotte, NC : TAN Books, 2012), 58, 202-203).

Sœur Marie accepta sa mission, et la dévotion devint populaire et fut embrassée par deux futurs saints : Thérѐse de Lisieux et le pape Jean-Paul II. Sainte Thérѐse a vécu une profonde spiritualité contemplative de la Sainte Face du Christ, et le Pape Saint Jean-Paul II a écrit sur la signification particulière de la contemplation de la Face du Christ pour vivre une piété véritablement eucharistique de communion avec et pour les autres.

Les enseignements de ces trois maîtres de la vie intérieure – Sœur Marie, Sainte Thérѐse et St. Jean-Paul II – nous montrent comment nous pouvons utiliser la dévotion à la Sainte Face du Christ pour aimer et servir le Christ souffrant dans les autres, surtout aujourd’hui, alors que nous nous trouvons éloignés des êtres chers et que nous voyons la violence éclater dans nos rues.

Sainte Thérѐse et le Serviteur souffrant

Comme le relate Geneviève Devergnies dans Thérèse de Lisieux : Her Life, Times, and Teaching, Thérѐse a été informée de la dévotion alors populaire à la Sainte Face du Christ alors qu’elle était très jeune enfant. Cela dit,  » jusqu’à ma venue au Carmel, je n’avais jamais sondé la profondeur des trésors cachés dans la Sainte Face « , écrit-elle.

La méditation sur le Serviteur souffrant rendu présent dans la Sainte Face allait devenir la pierre angulaire de la vie spirituelle de Thérѐse. Elle fit des paroles du prophète Isaïe « le fondement entier de ma dévotion à la Sainte Face, ou, pour mieux l’exprimer, le fondement de toute ma piété » (Geneviève Devergnies, « Suffering Opened Wide Its Arms to Me », dans Conrad De Meester, ed. Thérèse de Lisieux : Her Life, Times, and Teaching (Washington, DC : ICS Publications, 1997), 132-134). – se référant au passage d’Isaïe 53 : « Il n’avait pas de port majestueux pour attirer notre regard, pas de beauté pour nous attirer à lui. Il était méprisé et évité par les hommes, un homme de souffrance » (v. 2-3).

La dévotion de Thérѐse à la Sainte Face était si grande qu’elle portait même sur elle une mèche de cheveux de Sœur Marie comme une relique et insistait pour que ses propres novices récitent des prières à la Sainte Face telles qu’elles ont été données à Sœur Marie lors de prétendues apparitions du Christ (comme décrit dans le livre, « La Flèche d’Or »).

L’oblation de Thérѐse à l’amour miséricordieux

Alors que Marie reçut la mission de répandre la dévotion à la Sainte Face en réparation contre la propagation de l’athéisme, Thérѐse connut elle-même les ténèbres de l’athéisme durant sa dernière maladie, offrant sa souffrance pour les incroyants.

Thérѐse aida l’Église à comprendre beaucoup de choses sur notre unité en tant que corps du Christ. Elle a aidé à renouveler cette compréhension par la prière et en offrant nos épreuves, nos doutes et les nuits sombres de la foi, nous pouvons faire réparation pour le bien des autres membres du corps du Christ.

Important, Thérѐse a offert sa souffrance comme une oblation à l’Amour miséricordieux plutôt qu’à un Dieu de jugement punitif qui exigerait la douleur comme sacrifice. Il s’agissait d’un écart majeur par rapport à une souche négative de spiritualité rigoriste populaire à son époque.

La théologie spirituelle de la communion du pape saint Jean-Paul II

Le pape saint Jean-Paul II a déclaré sainte Thérѐse de Lisieux docteur de l’Église, un honneur accordé aux saints dont les enseignements sont jugés importants non seulement pour ceux de leur époque mais pour le bien de l’Église universelle à travers tous les temps. Il est venu développer sa spiritualité de la Sainte Face en une théologie spirituelle eucharistique renouvelée.

Jean Paul a présenté ses idées sur la dimension invisible de la communion et sur la façon dont nos vies peuvent devenir « complètement eucharistiques » dans sa lettre apostolique de 2001 « Novo Millennio Ineunte. » Publié à la fin du Grand Jubilé, il consacre une section du document à ce qu’il appelle la « spiritualité de la communion ». Il y soulignait que l’Eucharistie était « le sacrement de l’unité » et « la source de la communion ».

Jean-Paul appelait l’Église à vivre son caractère eucharistique dans le monde : « Faire de l’Église la maison et l’école de la communion : tel est le grand défi qui nous attend dans le millénaire qui commence, si nous voulons être fidèles au dessein de Dieu et répondre aux aspirations les plus profondes du monde. » Il a toutefois fait valoir qu’avant de pouvoir planifier la réalisation de cette école, il faut d’abord encourager cette « spiritualité de communion ». Il a écrit : « Une spiritualité de communion indique avant tout la contemplation par le cœur du mystère de la Sainte Trinité qui habite en nous, et dont nous devons aussi pouvoir voir la lumière briller sur le visage des frères et sœurs qui nous entourent. »

Il a insisté sur le fait que nous devions considérer nos frères et sœurs comme des membres du Corps mystique et donc comme « une partie de moi ». Selon Jean-Paul, cette identification aux autres nous permet d’entrer dans leur vie, de sentir et de satisfaire leurs besoins, et d’entrer dans une véritable amitié, nous appelant à « faire de la place » aux autres et à porter leurs fardeaux.

Important, Jean-Paul a fortement mis en garde : « Ne nous faisons pas d’illusions : si nous ne suivons pas ce chemin spirituel, les structures extérieures de communion serviront très peu. Elles deviendraient des mécanismes sans âme, des ‘masques’ de la communion plutôt que ses moyens d’expression et de croissance. »

Contempler le visage du Christ

Le fondement de la théologie spirituelle de la communion de Jean Paul était la contemplation du visage du Christ et la nécessité de vivre dans la lumière du Christ – pour les autres. Jean Paul a écrit que l’héritage de l’année jubilaire était la  » … contemplation du visage du Christ : Le Christ considéré dans ses traits historiques et dans son mystère, le Christ connu par sa présence multiple dans l’Église et dans le monde, et confessé comme le sens de l’histoire et la lumière du chemin de la vie » (« Novo Millennio Ineunte », n° 15). C’est en connaissant le Christ, à la fois Dieu et homme, que nous connaissons aussi « le vrai visage de l’homme, « révélant pleinement l’homme à l’homme lui-même » » (n° 23).

Dans une section du document qui commence par la question de ce que nous devons faire pour vivre une vie chrétienne, Jean-Paul suggère que nous n’avons pas besoin d’un nouveau programme puisqu’il en existe déjà un : « En définitive, il (le programme) a son centre dans le Christ lui-même, qui doit être connu, aimé et imité, afin qu’en Lui nous puissions vivre la vie de la Trinité, et avec Lui transformer l’histoire jusqu’à son accomplissement dans la Jérusalem céleste » (n° 29).

Le pape a réfléchi au témoignage que produit une vie de contemplation : une sainteté qui est le « message qui convainc sans avoir besoin de paroles… le reflet vivant du visage du Christ » (n° 7). Il a insisté sur le fait que c’est « la tâche de l’Église de refléter la lumière du Christ dans chaque période historique, de faire briller son visage aussi devant les générations du nouveau millénaire » (n° 16).

Conclusion

Aux moments les plus sombres de l’histoire, Dieu envoie des saints pour enseigner et consoler. Le témoignage prophétique et les enseignements de Marie, une fille cachée du Carmel, de sa sœur en esprit Thérѐse, docteur de l’Église universelle, et de Jean-Paul, notre tout récent pape saint, peuvent renforcer notre résolution aujourd’hui de vivre des vies véritablement eucharistiques à la lumière de la Sainte Trinité et de la Sainte Face du Christ – avec et pour les autres.

Clare McGrath-Merkle, OCDS, DPhil écrit depuis le Maryland.

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