Pourquoi ?
L’activité antimicrobienne de l’argent a été démontrée in vitro, y compris sur des bactéries multirésistantes comme le SARM. Pour être bactéricide, l’argent doit se transformer en ion argent (Ag+). L’exsudat de la plaie favorise cette transformation, soit par perte d’un électron si l’argent était sous sa forme élémentaire, soit par séparation du composé auquel l’ion argent était attaché.
Les ions argent sont très réactifs et produisent une destruction bactérienne par leur action sur différentes cibles : ils dégradent la paroi bactérienne, interfèrent avec la production de protéines et la réplication cellulaire. Différentes études sur des modèles expérimentaux suggèrent une réduction de l’adhérence bactérienne et une déstabilisation de la matrice du biofilm (Voir figure).
Un essai clinique bien conçu et deux revues Cochrane concluent que l’utilisation de pansements à l’argent peut ne pas améliorer le processus de guérison,1-3 ce qui contraste avec les résultats d’autres études, les avis d’experts et les observations dans notre pratique clinique. Ces résultats peuvent être dus à une utilisation inappropriée des pansements à l’argent, sur des plaies sans signes d’infection ou pendant de longues périodes. Je voudrais souligner une revue publiée dans le journal de l’Académie américaine de dermatologie4 qui soutient l’effet bénéfique de l’argent dans la diminution de la taille des plaies, sans pouvoir déterminer son rôle dans les taux de guérison à long terme.
Comment ?
L’argent peut être présent dans la structure du pansement ou en tant que revêtement et peut se trouver sous différentes formes :
- Argent élémentaire : argent nanocristallin.
- En tant que composé inorganique : oxyde d’argent, phosphate d’argent, chlorure d’argent, sulfate d’argent, sulfadiazine d’argent.
- En tant que composé organique : alginate d’argent, carboxyméthylcellulose sodique imprégnée d’argent ionique.
Différents pansements ont des quantités variables d’argent et, en comparant leur efficacité antibactérienne in vitro, aucune corrélation n’a été trouvée entre la teneur ou la quantité d’argent libéré et leur activité antimicrobienne.
L’argent contenu dans le pansement doit entrer en contact avec l’exsudat de la plaie pour qu’il se transforme en sa forme ionique et puisse exercer son action antibactérienne. Par conséquent, bien que la teneur en argent soit importante, de nombreux autres facteurs influencent la capacité d’un pansement à détruire les micro-organismes, tels que la distribution et la disponibilité de l’argent dans le pansement et le choix approprié du pansement en fonction de son adaptabilité et de sa capacité d’absorption selon l’exsudat de la plaie5.
Quand ?
L’utilisation de l’argent dans la cicatrisation serait indiquée de façon consensuelle dans deux situations :
- Indication thérapeutique, dans les ulcères présentant une charge bactérienne excessive ou des signes d’infection.
- Indication prophylactique, dans les plaies à risque d’infection.
La limite d’utilisation de l’argent n’est pas bien définie. Il a été proposé qu’une évaluation soit effectuée après 2 semaines pour décider de la poursuite de son application :5
- Si la plaie s’est améliorée, mais que des signes d’infection persistent, le pansement à l’argent serait poursuivi.
- S’il n’y a pas d’amélioration clinique, son utilisation devrait être interrompue.
- Si l’évolution est bonne et qu’il n’y a pas de signes cliniques d’infection, il devrait également être interrompu.
Le risque de toxicité systémique de l’utilisation prolongée des pansements à l’argent a été suggéré. L’argyrie généralisée est due au dépôt de particules contenant de l’argent dans différents organes. La toxicité systémique de l’argent est très faible, et ses effets sont limités à une hyperpigmentation cutanéo-muqueuse. La quantité minimale d’argent nécessaire pour la produire n’est pas connue, mais il semble qu’elle puisse être déclenchée par des doses orales supérieures à 3,8 g d’argent élémentaire. La quantité d’argent absorbée par voie systémique lors de son utilisation dans les plaies est minime.6 Bien qu’une pigmentation grisâtre locale puisse être produite par le dépôt d’argent, elle ne doit pas être confondue avec une argyrie généralisée.
Si vous voulez en savoir plus sur l’argent dans la cicatrisation des plaies : Utilisation appropriée des pansements à l’argent dans les plaies : document de consensus international.
Il s’agit d’un document de consensus faisant suite à une réunion d’experts en 2011 visant à formuler des lignes directrices internationalement reconnues sur l’utilisation appropriée des pansements à l’argent, sur la base de l’expérience de la pratique clinique et des preuves disponibles.
- Michaels JA, Campbell B, King B, et al. Randomized controlled trial and cost-effectiveness analysis of silver-donating antimicrobial dressings for venous leg ulcers (VULCAN trial). Br J Surg 2009 ; 96(10) : 1147-56.
- Vermeulen H, van Hattem JM, Storm-Versloot MN, Ubbink DT. Argent topique pour le traitement des plaies infectées. Cochrane Database Syst Rev 2007 ; 24(1) : CD005486.
- Storm-Versloot MN, Vos CG, Ubbink DT, Vermeulen H. Argent topique pour prévenir l’infection des plaies. Cochrane Database Syst Rev 2010 ; 17(3) : CD006478.
- Carter MJ, Tingley Kelley K, Warriner RA. Traitements à l’argent et pansements imprégnés d’argent pour la cicatrisation des plaies et ulcères de la jambe : Une revue systématique et une méta-analyse. J Am Acad Dermatol 2010 ; 63 : 668-79.
- Consensus international. Utilisation appropriée des pansements en argent. Consensus du groupe de travail d’experts. Londres : Wounds International, 2012.
- M C Fariña, P Escalonilla, R Grilli, M L Soriano, L Martín, L Requena, J L Sarasa, A de Castro. Argyrie généralisée secondaire à l’administration topique de nitrate d’argent. Actas Dermosifiliogr. 1998;89:547-52.
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