DISCUSSION
Nos rapports démontrent clairement que le cancer avancé de l’endomètre peut survenir chez des femmes présentant un endomètre mince à l’échographie. Dans le cas 2, l’histopathologie a confirmé un aspect normal de l’endomètre et que le cancer semblait provenir de foyers d’adénomyose au sein du myomètre. Dans le cas 1, alors que l’histopathologie a démontré un foyer microscopique de cancer dans l’endomètre, sa majeure partie se trouvait dans un foyer d’adénomyose. Nous avons émis l’hypothèse que l’atteinte de l’endomètre était secondaire à la propagation de l’adénomyose. L’absence à la fois de symptômes et d’hématomètre, ainsi que les résultats échographiques et histologiques, soutiennent également la suggestion que la tumeur provenait d’une adénomyose.
Smith-Bindman et al.2 ont montré que le risque de cancer de l’endomètre chez les femmes présentant des saignements post-ménopausiques est réduit d’un facteur 10 lorsque l’épaisseur de l’endomètre est < 5 mm. La mesure de l’épaisseur de l’endomètre est toutefois associée à un taux de faux négatifs de 1 % et la littérature fait état de cancers de l’endomètre avancés chez des patientes dont l’épaisseur de l’endomètre est < 5 mm3, 4. Dorum et al.3 ont décrit un cas dans lequel un cancer de l’endomètre de stade 1c a été découvert chez une patiente dont l’épaisseur de l’endomètre avait été mesurée à 3 mm. La qualité de l’examen échographique dans ces cas a été remise en question car il était difficile de concilier la présence de tumeurs relativement grandes avec un endomètre mince5. Nos résultats confirment que des cancers avancés de l’endomètre peuvent effectivement survenir malgré des apparences rassurantes de l’endomètre à l’échographie.
La coexistence de l’adénomyose et du cancer de l’endomètre a été précédemment rapportée dans la littérature. La présence d’un cancer de l’endomètre au sein d’une adénomyose a été signalée dès 19586. Il existe deux théories sur la façon dont le cancer de l’endomètre se retrouve dans une adénomyose. Giammalvo et Kaplan6 ont postulé que le cancer de l’endomètre se développe de novo dans les foyers d’adénomyose, tandis que Colman et Rosenthal7 ont avancé que l’invasion myométriale de l’endomètre favorise de préférence les zones d’adénomyose comme une voie de moindre résistance. Ces théories ne sont, bien sûr, pas concurrentes, et toutes deux peuvent être correctes chez différentes patientes. La découverte histologique d’un endomètre normal dans le deuxième cas décrit ici soutiendrait la théorie de la pathogenèse de Giammalvo et Kaplan6.
L’adénomyose est commune avec une prévalence rapportée allant jusqu’à 70%8. Traditionnellement, on considérait qu’elle régressait après la ménopause car elle est hormonodépendante. Bien que l’on pense que l’affection subit un certain degré de régression, il est probable que des îlots d’endomètre dans le muscle utérin soient conservés avec un potentiel de repousse s’ils sont stimulés par des hormones. Étant donné que ces îlots de tissu endométrial seraient exposés aux mêmes facteurs cancérigènes que le tissu endométrial à l’intérieur de la cavité endométriale, il est logique qu’une proportion de cancers endométriaux en provienne.
Le prélèvement de l’endomètre est rarement effectué chez les femmes asymptomatiques ménopausées, car leur risque d’héberger un cancer de l’endomètre est très faible9. L’exception à cette règle est la découverte d’un endomètre épaissi à côté d’un hématome. Dans ces cas, les saignements sont masqués par une obstruction cervicale et ces femmes doivent être examinées, même en l’absence de saignements post-ménopausiques. Le développement du cancer de l’endomètre au sein de l’adénomyose représente une autre situation clinique dans laquelle la maladie peut être présente malgré l’absence de saignements post-ménopausiques. L’apparition tardive ou l’absence de symptômes peut expliquer pourquoi, dans ces deux cas, les cancers étaient relativement avancés au moment du diagnostic.
La distinction entre le cancer de l’endomètre confiné à l’adénomyose, et le cancer de l’endomètre myoinvasif impliquant l’adénomyose, est cliniquement importante car la présence et la profondeur de l’invasion myométriale est un facteur pronostique indépendant10 et peut modifier la prise en charge. La présence de la tumeur dans le myomètre n’est pas considérée comme une invasion myométriale si la tumeur est entièrement confinée à l’épithélium10. Ces tumeurs seront donc classées dans la catégorie FIGO 1a et non dans la catégorie FIGO 1b. Un excellent pronostic a été rapporté chez des patientes telles que celles-ci11.
En conclusion, nos études de cas expliquent pourquoi la mesure de l’épaisseur de l’endomètre, même lorsqu’elle est effectuée selon des normes très élevées, peut ne pas détecter tous les cas de cancer invasif de l’endomètre. Un examen approfondi du myomètre, à la recherche à la fois de signes d’adénomyose et de lésions myométriales suspectes, peut contribuer à réduire le taux de faux négatifs de l’échographie dans le diagnostic du cancer de l’endomètre chez les femmes ménopausées ; cependant, ces cas inhabituels doivent être interprétés avec beaucoup de précaution pour éviter une anxiété et des interventions inutiles causées par un nombre accru de diagnostics faux positifs de cancer de l’endomètre.